Le choix stratégique de Châteauneuf : résidence, protection et ambition viticole
Si les papes s’installent à Avignon, c’est à Châteauneuf qu’ils choisissent, très tôt, d’établir leur résidence d’été. Dès 1317, Jean XXII fait construire un château-forteresse, dont les vestiges dominent encore le plateau. Ce n’est pas un simple caprice : la colline, exposée au soleil, bénéficiait déjà d’une réputation de salubrité et avait l’avantage d’être à la fois fertile et défendable.
Ce choix architectural s’accompagne d’une volonté politique : développer une véritable seigneurie viticole, capable d’approvisionner la table pontificale et, au-delà, de contribuer au rayonnement des papes.
Encouragement papal et essor de la vigne
Jean XXII, premier “maire vigneron” de Châteauneuf, encourage vivement la mise en culture de la vigne. Les chartes de l’époque font état d’incitations accordées aux colons pour planter, entretenir et récolter la vigne : exonérations fiscales, facilités d’installation, garanties de protection (source : Chantal Sournia, “La vigne et le vin sous les Papes d’Avignon”).
- Extension du vignoble : l’emprise du vignoble passe de quelques hectares à plus de 200 dans la seconde moitié du XIV siècle (INRA, Études historiques).
- Qualité recherchée : des cépages réputés comme le “moren”, ancêtre du mourvèdre, sont introduits. On note l’apparition du grenache dans les sources du début du XVe siècle.
- Canonisation du vin : la production n’alimente plus uniquement les messes, mais devient un élément de prestige, offert aux ambassadeurs et dignitaires de passage.
Des papes prescripteurs de goût et de pratiques innovantes
Au fil des pontificats, l’élite pontificale impose ses exigences : le vin de Châteauneuf doit être plus corsé, plus stable, donc plus apte au transport. Les papes favorisent la sélection des cépages, le tri des baies à la vendange et l’amélioration des méthodes de vinification.
Les sources évoquent l’utilisation précoce de sulfites (soufre) pour protéger les vins lors de leur conservation, pratique alors peu répandue en France – probable emprunt aux techniques italiennes (source : André Dominé, “Le Vin”).
- Attention portée à la vendange : cueillette à maturité, tris manuels, limitation des rendements.
- Maturation du vin : emploi des amphores, puis des tonneaux de chêne pour le transport.
- Contrôle de la qualité et lutte contre les fraudes, imposée par l’administration pontificale : les officiers du pape veillent à l’authenticité des tonneaux destinés au palais, créant un embryon de réglementation.